Dear One,
j'ai mis du temps à admettre ce beau paradoxe : ce qui nous fait le plus peur contient l'antidote qui nous délivre. J'ai compris cela par le coeurps, quand j'ai senti que mes peurs venaient me révéler des besoins physiques inassouvis. Le vide, le bruit... tout parle pour signifier que l'en-vie se tient juste en face de la peur. Les mots sont imparables pour en venir à relier ces contraires et pacifier l'en-dedans.
Le procédé d'écriture est exigeant et libérateur à la fois.
Il me demande de (me) dépouiller sans cesse.
C'est une apnée vers les abysses de l'intime. Et pourtant, loin de me faire évoluer dans un monde sombre et isolé, il me propulse chaque fois de retour vers la surface. La surface : là où l'intime côtoie le monde de si près que la lumière ricoche sur la moindre ondulation. L'azur face à soi.
Notre coeurps a tant besoin de sentir battre celui des autres dans leurs propres chemins, en écho, pour réussir lui aussi à plonger et remonter sans cesse. J'appelle cela revenir dans sa propre matrice pour sortir enfin dans le monde au contact des autres. Imagine un ballet de créatures aquatiques!
Certains jours ont un goût de labeur âcre et ingrat dans ce monde furieux. Parce que rien ne semble évoluer et pourtant tout change minute après minute. Je me demande souvent comment font les gens pour tenir sans sentir, sans croire, sans savoir que chaque respiration est l'occasion d'apporter du bien, du beau, dans le monde, sans percevoir la lumière, tout ça en supportant des carapaces plus coriaces que le plus coriace des virus. Comment font-ils pour vivre? Ils survivent en zombies. T. les appelle comme ça : "les zombies". Je suis assez d’accord avec lui.
Tout sentir, tout percevoir est à la portée de chacun mais tant veulent refouler par peur de faire cette plongée au fond de soi et revenir dans la lumière enfin nu. Je porte mon âme à même la peau et même si elle ne ressemble en rien aux avatars les plus fréquents, je me sens enfin respirer. La vie n'a pas de prix, mais la survie est hors de nos moyens. Palpiter est à notre portée. A chaque instant. Pour ranimer un peu ce monde, pour ceux qui viendront après nous, il est temps de vivre ce qui est en nous.
Alors voici mon poème de ce mois, "Mets ta tenue pour vivre". Le bleu dedans est celui des profondeurs, des douleurs, mais aussi celui qui Nous(e) le Je(u) intérieur au grand Tout de la vie. Comme une immense et tendre goutte d'eau qui rejoindrait l'océan pour le contaminer de vérité libératrice.
J'écris pour moi d'abord, pour me donner courage, force, pour ressusciter les mots que j'avais besoin d'entendre alors qu'ils n'ont jamais été prononcés. Pour donner vie à ces mots que je veux enfin incarner, dans les secondes anodines du quotidien et dans les grâces épiphaniques hors du temps.
Je n'ai jamais su inventer, je ne sais que raconter mes plongées et mes remontées.
Je n'ai jamais su croiser le fer comme ceux qui disent penser à leurs lecteurs en écrivant, de façon à trouver les bons mots, en ciblant à l'avance les sujets, les tournures.
J'écris depuis le fond du fond, depuis les frontières invisibles, et de plus en plus, parce que je sais que c'est pour moi la seule façon de toucher quelqu'un d'autre, quelque part, depuis son propre fond s'il ose se laisser toucher si loin, ou juste en surface pour réveiller la vibration de son âme.
Mets ta tenue pour vivre, Dear One, et étincelle enfin de qui tu es.
Voici donc, de moi à toi, à nous, à tout, ce poème:
Dear One,
It took me a while to admit this beautiful paradox: what scares us the most contains the antidote that delivers us. I understood this through my heart, when I felt that my fears were coming to reveal unfulfilled physical needs. The emptiness, the noise... everything speaks to mean that the longing for life stands right in front of the fear. Words are unstoppable to come to connect these opposites and pacify within.
The writing process is both demanding and liberating.
It keeps asking me to be more and more naked.
It’s like diving into the depths of intimacy. And yet, far from making me evolve in a dark and isolated world, it propels me back to the surface each time. The surface: where the intimate is so close to the world that the light ricochets off the slightest ripple. The azure is in front of you.
Our bodyhearts need so much to feel that others are beating in their own paths, in echo, to succeed in diving and climbing again and again. I call it coming back into your own womb and finally getting out into the world with others. Imagine a ballet of aquatic creatures!
Some days have a taste of acrid and ungrateful toil in this furious world. Because nothing seems to evolve and yet everything changes minute by minute. I often wonder how people can hold on without feeling, without believing, without knowing that every breath is an opportunity to bring good, beautiful, into the world, without perceiving the light, all this while wearing inner weapons tougher than the toughest of viruses. How do they live? They survive as zombies. T. calls them "zombies". And I quite agree.
Feeling it all, perceiving it all is within everyone’s reach but so many want to repress for fear of doing this dive to the bottom of themselves and return to the light at last naked. I wear my soul right upon my skin and even if it looks weird compared to the most common avatars, I finally feel breathing. Life is priceless, but survival is beyond our means. Palpitation is within our reach. Every moment. To revive this world a little, for those who will come after us, it is time to live what is in us.
I write for myself first, to give myself courage, strength, to resurrect the words I needed to hear when they were never spoken. To give life to these words that I finally want to embody, in the ordinary seconds of everyday life and in the epiphanic graces out of time.
So here’s my poem this month, "Outfits for a living".