Créer et diffuser son art par soi-même
Joies et contraintes de l'autoédition
Livre pauvre réalisé à partir du texte « Enfin prendre forme » paru chez Revue Nocturnes novembre 2021
Extrait de mon texte inséré dans ce livre pauvre:
“Aux abords du soir, il y a la tendresse.
Cette heure.
Où j’écris sans relâche par moi-même, pour toi, vers toi, pour me retrouver en nous.
La nuit a dû tomber quelques minutes plus tard pour toi.
Mais il y a cette conjonction des tombés du corps, ces moments où il faudra bien admettre notre nudité la plus totale.
Le jour je lutte pour être invincible, toi aussi. Je reste invisible.
Dans le noir, mes failles sont mes parures pour non pas refaire l’histoire, mais plutôt reconnaître la force qu’il me reste encore pour inscrire mon espoir, mes angoisses, mon amour.
Quelle forme ai-je la nuit ?
Celle d’une·e tendre qui veut se faire aimer,
celle d’un·e désirant·e qui sait aimer,
qui peut être tout à la fois sans avoir à choisir.
Mes identités se reflètent et ricochent entre toutes les lignes. Je rejoins l’ensemble des autres sans exception, et dedans il y a forcément cet autre moi, et peut-être toi aussi avec un peu de chance.
Je vise large mais puissamment.
J’embrasse à l’infini les signes.
Ce ne sont pas des mots vains.
J’endosse tout et son contraire, aux extrémités les mots déchaînés pour sublimer ma vérité.
Ces heures où mon pas avance si loin du tien et pourtant exactement synchrone.
ici
partout
là
partout.”
Livre pauvre: une dénomination péjorative à mon sens.
Un livre pauvre est magique.
Quand on est auteur à son compte, et qu’on a laissé tomber l’idée de courir les éditeurs, on est amené constamment à créer de nouvelles façons de faire vivre et connaître son art.
Je reviendrai peut-être dans un autre billet sur mon choix de l’autoédition, plus affirmé qu’avant. (si ça vous intéresse d’ailleurs, dites-le moi en commentaire!)
Le livre pauvre est pour moi cette manière astucieuse et inspirante de rendre les mots vivants.
Il est loin le temps où l’on écrivait sur des manuscrits. Loin le temps où ce travail était réservé à la classe des moines copistes.
Les joies du livre pauvre, ou quand on met les mots en jeu
Au temps des écrans qu’on scrolle, un livre pauvre évoque ces joies pour moi:
retomber en enfance en écrivant sur du “vrai papier” et décorer le texte pour en faire quelque chose de joli. C’est un plaisir simple et… efficace! Je pense qu’il est assez rare à notre époque que les auteurs écrivent de leur main leurs propres mots pour les rendre publics. Les mots sont rangés dans des “livres”, objets en 3D qui se manipulent d’une seule façon. Moi, j’aime les livres accordéon, les livres-objets, les livres magiques. Je les trouve au rayon “Enfants” des bibliothèques et des librairies. Pourquoi?
dépasser le stade fossilisant du crayon-papier ou ordi-fichier, pour revenir à une forme s’alliant à d’autres dimensions. Le dessin ordonne un certain rythme aux mots, il vient renforcer celui déjà créé en écrivant. Ou bien au contraire, il lui donne un nouvel élan. Tout ça dépend bien sûr d’un paramètre important: l’ordre de l’agencement de la création. Est-ce que j’écris le texte d’abord? Puis je crée une illustration? Est-ce que je place l’illustration dans le livre puis ensuite le texte?
Ici, j’ai le choix d’une technique que je qualifierai de…semi-aléatoire! (control freak sur les bords). Imbiber le papier d’encre sans savoir comment la matière va se répartir: les nuances, les formes, sont totalement spontanées et indépendantes de ma volonté (et du sens du texte).
J’ai réparti les mots ensuite. C’était facile: ils dévalent les pentes ou grimpent les sommets, plongent dans l’eau ou en jaillissent.
la satisfaction de tenir entre ses mains sa création. Il est vrai que tout faire par soi-même est souvent risqué. Qualité, visibilité, légitimité: tout ça se questionne quand on fait le choix de créer, produire et diffuser par soi-même son art. Personnellement, je ne pourrais pas me satisfaire d’être éditée par un tiers. Ni que mes mots soient uniquement imprimés sous forme de “pages”. La rémunération de mon travail d’écriture dépend en grande partie de moi puisque la majeure partie de mes écrits est autoéditée. Dans mes rêves, il est certain que j’aimerais m’offrir la liberté de choisir pour qui et avec qui je veux créer et éditer un livre pauvre. Etre dégagé de la pression de la rémunération, des coûts de production d’un livre, ou simplement du temps pris à créer sans toucher un centime, est un luxe que je ne peux pas encore m’offrir.
Le livre pauvre: une pratique spirituelle et écologique
Alors, plutôt que me plaindre de ça (ce qui arrive encore parfois), j’en fais une pratique spirituelle à part entière.
Créer un livre pauvre, en tout cas celui-là qui est le premier, a été une traduction concrète de ma pratique bouddhiste.
Créer pour la joie de créer, en m’ancrant dans le moment présent, en offrant mon intention au Vivant.
Ne rien attendre mais tout espérer.
Préserver le vivant, adopter la sobriété (note: j’ai fabriqué 2 exemplaires de ce livre. La productivité est une notion absente ici, évidemment. On ne parle pas de tirage de livres!)
Me concentrer et lâcher prise en même temps.
C’est une méditation à part entière!
Petite anecdote: l’encre employée est l’eau de cuisson d’un chou-fleur violet. Ce choix participe de ma volonté d’utiliser le plus possible d’éléments naturels, et de faire participer la Nature elle-même au “transport” de mes mots. La contrainte économique rejoint finalement mes choix écologiques et spirituels.
Bref, tentez l’aventure, au moins juste pour vous: je vous assure que c’est nourrissant!
Je me rappelle petite, de ces temps passés avec plaisir et concentration à réaliser des cartes de voeux, d’anniversaire, de remerciement… en décorant les lettres, en rajoutant un dessin.
Je me rappelle, enseignante, du plaisir des élèves à décorer le poème copié à la main sur le cahier (après avoir débloqué les réfractaires ou les inhibés).
Je me rappelle que les mots appellent la vie, et que nous n’avons pas à attendre qu’on nous autorise à créer sous des formes de plus en plus libres! (note pour moi-même et toute personne qui en aurait besoin).
Si ça vous parle, vous inspire, vous pouvez découvrir les autres photos du livre ici: Enfin prendre forme Livre 2022
Pour le commander, envoyez-moi un message.
A vos créations!
Hluizar/Marion